Présentation
Orfèvre en histoires courtes, Hubert Mingarelli condense dans La Source ce qui a fait son succès : une émotion tenue au plus près du silence par des mots simples, des phrases impeccables dans leur pouvoir d’évocation, une délicatesse vis-à-vis de ses personnages et cette façon incroyable qu’il a de faire d’eux nos propres frères.
Deux frères partent en pleine nuit pour atteindre des gorges où coule une source. Quelque chose de leur enfance y est attaché. Renzo est le plus jeune, fragilisé par le décès de leur père. George a endossé le costume du grand frère protecteur mais ce n’est pas vraiment du sur mesure. Ils font du stop, et continuent à pied, au cœur de gorges qui les rapprocheront l’un de l’autre, de leur destin et de ce père disparu, porteurs ensemble d’un talisman : une fusée de détresse trouvée dans ses affaires. Au fur et à mesure de leur périple, les dialogues nous dévoilent des bribes de leur histoire et les deux frangins y puisent le courage dont ils ont besoin pour ce qu’ils doivent accomplir. La Source est aussi une histoire d’héritage, si l’héritage est une chose intime, un bloc de silence tenu au chaud des rêves... Au final, dans une ultime scène merveilleuse, c’est la grâce qui nous cueille, celle d’avoir touché à ces moments épiphaniques où la vie n’est pas autour de nous, mais jaillit du livre qu’on lit. Et dont on se souviendra longtemps avec le désir d’en partager l’émotion.
Présenté dans la collection « Texte au carré » : une nouvelle, une préface par un autre écrivain, une couverture entièrement illustrée.
Ainsi s’en vont George et Renzo, pas à pas, vers la source. Ils s’élèvent et remontent le temps. Ils marchent à la rencontre de leur père. Car dans les livres d’Hubert Mingarelli, il faut se souvenir. Il faut recevoir et donner. Il faut apprendre et transmettre. Une torche suffit pour incendier la nuit. Voilà ce que c’est que d’être humain.
– Joël Egloff
On pérégrine souvent dans les textes d’Hubert Mingarelli. Entre hommes le plus souvent. Le long des cours d’eau, vers l’amont. Comme une quête de l’origine. L’enfance dont tout vient. Fil ténu et secret, à peine plus sonore d’un filet d’eau. George et son frère Renzo partent ainsi aux premières lueurs de l’aube (« le moment des tristes couleurs dans le ciel ») à la recherche d’une source, préservée par une faille de la montagne, où l’aîné est venu, très jeune, avec leur père. Cette ascension, avec son lot de défis et de peurs, unit par-delà la mort les enfants avec celui qui leur a laissé, presque par mégarde, une arme capable de conjurer toutes les solitudes. Par une poésie aussi sobre que nue et une langue toujours concise, propre à délivrer l’émotion sans esbroufe, Mingarelli signe avec La Source une miniature exemplaire de sa « manière » car, autant que David Rebaud qui illustre le volume, il est peintre.
– Philippe-Jean Catinchi, « Au fil de l’eau », Le Monde, 13 juillet 2012
La Source nous convie aux épousailles de l’apprentissage et de la sérénité : l’acceptation de l’absence, du deuil. Un retour vers le père qu’accomplissent deux frérots, soudés à jamais par une escapade sur des lieux empruntés au temps de leur prime enfance, au temps de leur insouciance.
Là où pourrait surgir la tristesse, une sorte de mélancolie fiévreuse, Mingarelli impose comme toujours la douceur, une tendresse sans cesse réinventée.
– Martine Laval, “Tendresse au poing”, Le Matricule des anges, mai 2012
Retour aux sources pour Hubert Mingarelli qui flirte avec l’un de ses plus beaux livres, le premier : Une rivière verte et silencieuse. C’est toujours un peu la même histoire chez lui, souvent masculine, et pourtant on ne s’en lasse pas. Cette fois-ci, le père est parti et une relation entre deux frères va luire dans sa nuit.
Les personnages de Mingarelli sont toujours fragiles et en marche, plongés dans un silence de doute et d’étonnement. Ils sont pudiques, ont peur mais parfois « c’est bien », ils prennent confiance et les failles qui lézardent leur existence servent autant à tester leur capacité d’être à la hauteur que de réchauffer leurs cœurs. La détresse est palpable dans certains gestes de rien, une réaction violente imprévisible, un sourire tremblant. Mingarelli aime ces taiseux qui partagent, dans le calme d’une journée particulière, la mémoire et l’héritage d’un père qui a compté, qu’il ressuscite dans le souvenir, la symbolique. On touche à la grâce dans les dernières phrases, grâce d’être pleinement soi, de savoir qui on est, d’où on vient, de se retrouver dans l’intimité en toute simplicité. Grâce d’une légèreté joyeuse enfin atteinte après avoir gravi, au propre comme au figuré, les pentes raides d’une enfance qui commence à tourner son visage vers la lumière et la beauté, après avoir eu le courage de l’affrontement.
À hauteur d’homme, Mingarelli l’est toujours, à fleur de mots simples, de dialogues anodins, de silences peuplés émouvants, dans une forme elliptique qui lui réussit mieux dans les textes brefs d’une quarantaine de pages comme celui-ci. En amont, en contre-haut d’un torrent qui fait du boucan, il esquisse le fantôme d’un père présent bien qu’absent, matrice d’une renaissance pleine de fraîcheur et de chaleur humaine. Cette Source touche aux origines, à l’essence des choses. Elle est fraternelle, porteuse de sens et d’espérance, chargée d’une émotion contenue qui jamais ne sort de son lit. Légèreté et profondeur réunies, dans un style concis qui effleure, laissant toute sa place au lecteur.
– Pascale Arguedas, Calou, l’ivre de lecture
Une nuit. Renzo et Georges, deux frères. Instant unique, définitif. Voyage au cœur de la nuit, sur les traces de l’enfance, vers la source familiale pour se dévoiler et peut-être renaître. Rien ne sera plus comme avant. L’avenir l’exige. Hubert Mingarelli excelle dans les textes courts, avec délicatesse et retenue, il absorbe le lecteur dans son monde, le place aux côtés de ses héros jusqu’à lui faire ressentir leurs sentiments et sensations. Du grand art.
– Max Buvry, librairie Vaux Livres
Avec La Source, on s’éloigne de la mer, des solitudes à quai et des « quarts monotones », pour retrouver cet autre cadre qui nourrit également l’écriture d’Hubert Mingarelli : la nature sauvage, au fond d’une province française rarement nommée où se jouent souvent d’autres passages, d’autres rencontres ou d’autres silences. On pense à plusieurs de ses nouvelles ou à des romans tels que La Beauté des loutres.
(...)On peut aussi entrer dans ce texte par la brève mais belle préface de Joël Egloff - qui se laissera tout aussi agréablement lire comme une postface. Egloff évoque bien cette force simple de Mingarelli, ces phrases limpides ou murmurées qui sont souvent les fruits d’un inquiétude qu’il s’agit de déjouer... le résultat d’un effort immense pour rester « à hauteur d’hommes ».
Cette « hauteur d’hommes » donne le son le plus juste de l’œuvre de Mingarelli. Et s’y tenir n’est jamais chez lui une marque de fabrique ou une afféterie, mais bien le résultat d’un effort qui se rejoue à chaque nouvelle histoire et dans chaque nouveau livre. Avec La Vague et La Source il nous offre encore deux beaux exemples de cette sorte d’inspiration intègre qui l’anime.
Alors qu’importe le ressac. Même si on a déjà eu ce goût-là dans la bouche, on en redemande.
– « Ressac », La Marche au pages, le blog de Fiolof